Lisbonne (3). Au Bel Canto, chez José Avillez

Deux étoiles au Michelin, une entrée remarquée dans le top 100 du World’s 50 Best Restaurants, le Bel Canto de José Avillez est une adresse incontournable à Lisbonne. Le restaurant est situé dans le centre historique de la capitale portugaise, à deux pas du Teatro Nacional de S. Carlos. José Avillez a repris cette maison, une institution dans la ville, il y a six ans. Il y a rapidement obtenu une première étoile (2012), puis une seconde (2014). Au vu du repas que nous y avons fait, la troisième étoile est proche. Cette récompense ferait d’Avillez, âgé de 38 ans, le premier chef triplement étoilé dans l'histoire de la gastronomie portugaise. Auteur de différents ouvrages, il est à la tête d’une petite dizaine de restaurants dans la ville et à Porto.

Restaurant Portugal Bel Canto Avillez Portrait

Passé la porte du Bel Canto, le client est comme plongé dans l’atmosphère d’un roman de Pessoa, né à deux pas. Un intérieur sophistiqué et raffiné. L’ambiance est douce et délicate. Dix tables pour une trentaine de convives. Deux menus, un premier laissé à l’improvisation du chef, « Evolucao » (165€), un second, « Lisboa » (165€), lié aux classiques de la gastronomie portugaise que le chef revisite avec talent. Une courte carte complète ces propositions. 

Restaurant Portugal Bel Canto Interieur

Le maître d’hôtel donne quelques mots sur un repas à comprendre comme un voyage, une histoire racontée en plusieurs chapitres. Ce sera excellent, du début à la fin, avec quelques plats de haut vol. Avillez puise son inspiration dans la tradition gastronomique portugaise, la variété des produits, bien sûr, la mer, mais aussi et surtout les gens. C’est une cuisine attentive à l’autre, marquée d’affection pour ce pays et pour ceux qui l’habitent. 

Le chef a fait ses armes auprès de chefs réputés comme Alain Ducasse, Eric Frechon, au Bristol, Claude Troisgros, à Rio de Janeiro, ou Ferran Adria, dont l’influence ludique traverse plusieurs plats de notre diner. Il y a ces amuses bouches en forme de cailloux, servis sur un galet, à la morue, puis aux pois chiche. On retrouve cette envie de liberté dans le premier plat, un ceviche de Amêijoas à Bulhão Pato, classique de la cuisine portugaise (palourdes, ail, huile d’olive et coriandre), où le glacé de certains éléments endorment un peu les parfums (ce sera mon seul bémol de la soirée), ou un dessert chocolat - huile d’olive & encre de seiche -, juste magistral. 

Restaurant Portugal Bel Canto Plat Ceviche Bulhao

Avillez a une cuisine bien à lui. Le geste est propre, lisible et légitime. J’ai eu la chance d’apprécier plusieurs créations. On sent chaque fois un équilibre maîtrisé entre audace et cette tradition que le chef aime secouer, sans effets de manche. Le tout reste goûteux. Il ne dénature jamais l’essentiel. Sa démarche est d’autant plus intéressante qu’elle nous permet de découvrir une gastronomie méconnue. Au bout du compte, sa cuisine donne envie d’en connaître davantage sur le pays, donne envie de prendre le train, la voiture, et d’aller dans les campagnes gouter ces plats.

Le chef a servi une gambas géante (carabineros grelhado) en deux services. Une bestiole assez impressionnante (25 cm), pêchée du coté de Faro, dont la chair est plus croquante que celle de la langoustine. La queue, débarrassée de la carapace, est à peine poêlée, servie sur une polenta typique du nord du pays. Cuisson parfaite, avec une chair juste translucide. Une merveille ! La tête de la gambas termine sa cuisson à même la table, oubliée dans une croûte de sel. On la mange avec les doigts, en n’en perdant pas une miette car elle concentre les saveurs iodées de l’océan. C’est une explosion de parfums. On aspire, on y va avec la petite cuillère et on prend tout, absolument tout. Une friandise sublime et subtile. (image Credit_BoaOnda)

Restaurant Portugal Belcanto 5

J’ai eu du plaisir à manger le leitao a Barraida revisitado, le traditionnel cochon de lait à l’orange, autre classique de la cuisine nationale, et plus particulièrement de la région de Barraida où les porcelets sont cuits dans des fours à bois. Le cochon rôtit lentement jusqu’à ce que la peau soit croustillante. Une merveille… Au Bel Canto, le plat est graissé dans l’assiette d’un jus dont le chef ne donnerait pas la recette sous la torture. C’était divin. Franchement ! Puis il y a eu un pavé de bar, servi avec une purée d’avocat, une association enlevée qui témoignait de la maîtrise sur les cuissons. Un beau plat, également, plus discret.

Restaurant Portugal Bel Canto Plat

Ce repas était arrosé de vins portugais. C’était mon choix. Il y a eu une découverte, un vin de la Quinta de Soalheiro, en alvarinho (2016), à l’extrême nord du pays. Certains choix du sommelier m’ont semblé, par contre, en deçà de la  cuisine. Peu importe, l’expérience restera dans nos souvenirs. Et puis on n’était pas là pour boire, mais plutôt pour découvrir un univers singulier. Traverser Lisbonne dans la nuit fut aussi magique que ce repas. Que dire d’autre, sinon que la ville n’est qu’à deux heures d’avion !

Bel Canto. 10,Largo de São Carlos, T. 351 21 342 06 07  10, Lisbonne. www.belcanto.pt Privilégiez la visite au printemps ou en automne. D'ici quelques jours, un long interview d u chef ;-)

 

 

Restaurant Portugal Bel Canto Dessert Chocolat