Chez Sylvain Fadat, au Domaine d'Aupilhac

Sur les contreforts du plateau du Larzac, à Montpeyroux, à goûter ses 2015 et à discuter pinards. Extrait d'un texte publié dans l'ouvrage Le Pilori, 100 ans d'Histoires gourmandes. En librairie ou sur le site.

Sylvain Fadat, Domaine d'Aupilhac, dans ses vignes

Sylvain : Mon père emmenait le raisin à la coopérative. C’était la règle, l’habitude. Les vignerons étaient payés à la quantité de raisin et au degré par hectolitre : plus tu produisais, plus tu gagnais… Pas besoin de faire un dessin. Ce n’était pas ma vision. En plus, moi, je voulais faire du bio ! Et le bio, à l’époque, je ne vous dis pas…

Marc : Pourquoi ?

Sylvain : C’était associé aux soixante-huitards. Des vignes dans un état abominable… Puis tu avais le lobby des vendeurs de produits chimiques. Ces gens entretenaient la peur des attaques de maladies ou d'insectes. Alors les parents traitaient toujours plus... Au début, je n’ai pas osé dire à mon père que je travaillais en bio !

Marc

Qu’est-ce qui t’a convaincu ?

Sylvain

Ado, je bossais dans les vignes pour me faire un peu d’argent. On me faisait traiter avec des produits nocifs. On me disait : « mets le foulard devant la bouche… » Tu parles d’une protection ! J’étais malade comme un chien ! Je me suis empoisonné plusieurs fois… Alors je me suis dit : « jamais je ne mettrai de chimie sur mes terres… ».

Marc

Tu t’es fait une réputation avec le carignan ?

 

Sylvain

Oui… Pourtant, au début, j’étais ennuyé car à l’école on nous avait dit que le carignan ne valait rien. On conseillait de l’arracher. Mais je devais faire avec, je n’avais pas d’argent pour arracher et replanter. J’ai vinifié 100 % carignan. La première année, j’ai vendu une partie en vrac, une autre en bouteilles... C’est à peine si j’osais mentionner le cépage sur l’étiquette. Je suis monté à Paris pour le faire goûter. Mes premiers clients étaient anglais. Les Anglais ne regardent pas l’étiquette. Ils goûtent. S’ils aiment, ils achètent. Kermit en a pris pour les États-Unis. Puis les Caves Legrand m’ont complimenté : le fruit noir, la réglisse, le fumé… Mais on m’a viré de plein d’endroits : pour les cavistes français, tu ne pouvais pas faire du bon vin dans l’Hérault.