L’Écume des Pâtes de Tommaso Melilli

J’étais curieux de lire l’ouvrage du cuisinier Tommaso Melilli. En sous-titre, l’essai annonce une « recherche de la vraie cuisine italienne », démarche qui m’intéressait dans le cadre de la recherche que je mène sur les liens en gastronomie italienne et immigration. J’étais d’autant plus curieux qu’avant de devenir cuisinier, Melilli a étudié à Paris la littérature et la philosophie. Son essai raconte ses années de cuisinier en France, puis un voyage retour en Italie au cours duquel il s’interroge sur la question de l’authenticité souvent vantée par la cuisine italienne.

La première partie se lit facilement d’autant que le chef parle de maisons et de chefs que l’on connaît et que l’on apprécie, commençant par un match de foot où l’on croise la brigade de l’ami Camdeborde, un séjour chez Passerini, Jancou ou le Consorzio et Banco, maisons connues des amateurs de vins naturels. On glisse vers un reportage à la première personne sur l’authenticité et la place de la tradition dans la cuisine italienne, au travers de rencontres plus ou moins intéressantes faites par le cuisinier. Le livre rejoint une série de questionnements ou d’impressions que je partage, notamment cette réflexion du cuisinier Lopriore : L’étranger perçoit et aime la table italienne pour sa confusion... En Italie, les gens ont toujours choisi de manger à la maison plutôt qu’au restaurant car à la maison on y mange mieux. Intéressant parallèle également entre la cuisine « à la maison » et la cuisine « au restaurant », et cette idée que les Italiens ne vont guère au restaurant car ils mangent mieux chez eux, du moins chez leur mère ou leur grand-mère. Les plats que les Italiens mangent et ont toujours mangé dans les trattorias ne diffèrent en rien de ceux qu’ils font à la maison parce que la trattoria naît quand une personne (ou une famille) qui cuisine assez bien à la maison décide de le faire pour plus de gens et dans un lieu plus grand. Un peu plus loin : Comment fait-on la carbonara au restaurant ? Pourquoi n’est-elle jamais comme celle qu’on fait à la maison ? Et surtout, pourquoi n’est-elle pas comme elle devrait l’être, alors que nous payons pour la manger ? J'ai plusieurs fois penser au père de mon copain Paolo, un ancien glacier (ce sont les Italiens qui ont fait connaître en Belgique les crèmes glacées après guerre), qui me disait en me parlant d’un restaurant italien dans ma rue que « c’est comme à la maison... ». Cela remonte au moins à une trentaine d’années. Dans ma tête, cette connaissance parlait d’une expérience correcte, sans plus. En lisant le bouquin de Mellili, j’ai compris qu’elle voulait au contraire me dire que l’on y mangeait bien. Comme quoi, il n'est jamais trop tard... Autre point intéressant du bouquin, les adresses que le chef partage, comme le Santo Palato, de Sarah Cicolini, à Rome, la boucherie de Roberto Liberati, chez Trippa, à Milan, dont on m’a déjà parlé, puis Reis « Racines », la ferme-auberge de Juri Chiotti, dans le val Varaita, à Meira Brancia, ou la Trattoria della Gloria à Milan. L’Écume des Pâtes, Tommaso Melilli, éditions Stock.