Michelin, rien de bien neuf sous le soleil

Comme chaque année, on était tous là, souriants, mais stressés. Chefs, proches de chefs et journalistes... Et comme chaque année, on en est sorti en se disant : « tout ça pour çà… » ! Fidèle à son habitude, Michelin a fait du Michelin, justifiant ses choix et jouant avec nos nerfs au long d’une proclamation d’un paternalisme plutôt gonflant. Le bienheureux de la soirée s’appelle Arold Bourgeois, admirable chef du Little Paris, à Waterloo, dont le nom du restaurant est apparu sous les applaudissements de la salle alors qu’il accompagnait tranquillement son fils au rugby, téléphone coupé. Il avait oublié, m’a t-il dit…

Rest Belgique Little Paris

Côté guide, pas mal de jeunes chefs débarquent, notamment à Louvain ou Anvers, où Michelin les sort carrément du berceau. Philippe Eylen, chef d’EED, n’a pas vingt-cinq ans ! Le chef de Nathan et celui de Franq, deux nouveaux étoilés, ont l’air également tout aussi jeunes. Pourquoi pas ?! La jeunesse est également récompensée côté francophone, avec Julien Wauthier à la Plage d’Amée (Gersdorff) et, surtout, Maxime Collard qui va chercher une réjouissant seconde étoile à la Table de Maxime à Our. Je ne sais pas ce qui m’empêche de monter dans ma bagnole et partir direct vers les Ardennes, un mois où les forêts sont si belles et où l’on mange chez lui de merveilleux gibiers de chez nous !

Un certain équilibre, entre la Flandre et la Wallonie, avec une cuisine plutôt contemporaine pour la première région (énoncés haïku type bar/poireaux/ail noir), plutôt bistro pour la seconde (longs énoncés genre filet de bar à la plancha, fondue de poireaux et beurre de coquillages à l’ail noir). Au milieu de tout cela, Bruxelles dans le rôle u parent pauvre… Pas vraiment de jeunes au balcon… Et ceux qui ont autour des 40 balais, çà fait longtemps qu’ils ne pensent plus à Michelin, et que Michelin ne pense plus à eux. Cela dit, il faut regretter que la haute gastronomie n’est guère soutenue à Bruxelles des autorités publiques. Il y a quelques semaines, celles-ci lançaient une initiative pour élire la meilleure croquette de crevettes de Bruxelles (une idée réjouissante, ce n’est pas ça, d’autant qu’elle a récompensé un gars que l’on aime bien), mais pendant ce temps-là, les autorités flamandes font le forcing pour obtenir d’ici quelques mois l’organisation de la cérémonie des 50Best à Anvers.

Sur Bruxelles, David Martin, La Paix, sauve la mise. Sa seconde étoile récompense une trajectoire qui l’a vu remettre en jeu, il y a six, sept ans, une réputation construite autour d’une cuisine de brasserie haut de gamme. David et son épouse auraient pu s’en satisfaire. Le couple a tout revu, avec ambition. C’est ce pari osé pour une cuisine plus élégante, nourrie par plusieurs voyages au Japon, qui est récompensée. Pour le reste, Michelin reste cohérent avec sa manière de faire, retirant l’étoile à l’Ecailler du Palais royal suite au départ de Maxime Maziers. Le guide attend que celui-ci fasse ses preuves chez Bruneau. Idem pour Isabelle Arpin dans ses nouveaux murs…

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La cotation des restaurants n’a peut-être pas été conçue comme un outil de marketing, mais elle en est devenue un. C’est un peu regrettable. Les affinités et avis relatifs aux tables ne sont pas une science, mais une question de goût et d’émotion. J’ai la chance de compter parmi mes amis quelques satanés épicuriens qui ne se considèrent pas comme des spécialistes, mais plutôt comme de bons vivants. Si je fais confiance à Michelin pour certaines de ses recommandations, celles-ci n’égaleront jamais les suggestions de ces fines fourchettes.

Réfléchir à tout cela m’a creusé l’appétit d’autant que je me suis énervé en pensant à certains qui seraient sans doute tout heureux d’avoir une étoile et ne l’ont toujours pas. Alors je suis parti chez mon copain Arold du Little Paris, une adresse que m'avait filée Philippe, autrefois au Gault & Millau. Arold était content, tranquille. Il a servi un coup de Beaujolais nouveau de chez P’tit Max, puis a conseillé son lunch : terrine de faisan maison, pickles et rémoulade de céleri, puis une galette de boudin noir « Christian Parra », rutabaga, jus de viande et purée crémeuse. Même gourmandise, même plaisir que la dernière fois.