Michelin 2018, dure, dure soirée pour les Bruxellois et les Wallons.

A entendre les premières phrases de Michael Ellis, la gastronomie wallonne pouvait s’attendre à de bonnes nouvelles. Le directeur du Michelin a en effet commencé son discours d’accueil en annonçant une tendance partagée un peu partout dans le monde.

Livre Belgique Cover Michelin 2018

A entendre les premières phrases de Micheal Ellis, la gastronomie wallonne pouvait s’attendre à de bonnes nouvelles. Le directeur du Michelin a en effet commencé son discours d’accueil en annonçant une tendance partagée un peu partout dans le monde : l’émergence de jeunes chefs travaillant avec les producteurs proches de leur restaurant et d’une cuisine de terroir et de produits. On pouvait ainsi objectivement s’attendre à la reconnaissance d’un travail initié en Wallonie depuis quelques années par le collectif Génération W. Il n’en fut rien.

 Pour les francophones, bruxellois ou wallons, les résultats du Michelin 2018 sont décevants : 14 nouveaux étoilés, mais un seul en Wallonie, Bistro Racine, et un seul à Bruxelles, assez surprenant, L’Ecailler du Palais royal… Trois nouveaux « deux étoiles », tous trois en Flandre ! Aucun nouveau « deux étoiles » alors que les attentes semblaient fondées pour plusieurs maisons.

 On n’imagine pas les inspecteurs du Michelin récompensent les chefs en fonction de critères communautaires. La première étoile est accordée par le bureau belge et les inspecteurs que nous connaissons nous semblent au-dessus de ce genre de considérations. Par contre, le lobbying existe. Les jeunes chefs flamands forment une communauté apparemment soudée, confiante, dont il était réjouissant d’entendre hier la joie à mesure que ses membres étaient hier récompensés.

Cette émergence ne vient pas de nulle part : les pouvoirs publics flamands soutiennent leur gastronomie et leurs chefs depuis plus de quinze ans, comme ils soutiennent la mode ou le design, comprenant les retours que pareil politique peut leur apporter. Les pouvoirs publics flamands s’inspirent de démarches menées avant eux par les Espagnols ou les Scandinaves qui ont fait de leur cuisine et de leurs villes, autrefois méconnues, des destinations de découvertes. Qui allait autrefois manger à Copenhague ? Oui, Copenhague… Allez voir, les restaurants sont remplis tous les soirs… Dans un reportage publié cet hiver, je relatais qu’un représentant de la communauté de la capitale danoise chiffrait à plusieurs centaines les emplois amenés en dix ans par le succès du restaurant Noma : ouvertures de restaurants, cafés, marchés, épiceries fines…

Cette émergence ne vient pas de nulle part, j’écrivais. L’engouement est non seulement soutenu par les pouvoirs publics, mais également porté par le public, les écoles et la presse. Du côté francophone, rien de tout cela. Les principales initiatives viennent d’individualités, un homme d’affaire passionné par la cuisine, un chef un peu plus débrouillard ou plus ambitieux qu’un autre… Et ceux-là, loin d’être soutenus, encouragés, se voient par leurs confrères et les observateurs vite accusés de tirer la couverture vers leurs intérêts.

 On me dit qu’il y a plus d’argent en Flandre. Certes, mais ces gens vont aussi manger en Wallonie et à Bruxelles. Eric Fernez, « Cuisinier de l’année 2018 chez Gault & Millau » remplit chaque jour son restaurant doublement étoilé de Baudour et sa brasserie Le Faitout, pourtant situés un peu au bout du monde… Le Pilori, étoilé en pleine campagne, est complet certains soirs des mois à l’avance... Alors quoi ? Par contre, vous en connaissez beaucoup, vous, en Wallonie, des chefs de moins de trente ans, intéressés par l’étoile, à la tête d’une enseigne ambitieuse, portée par un projet cohérent ? Qui Michelin oublie-t-il pour une première étoile en Wallonie ? Seules deux « jeunes maisons », tenues par des chefs plus proches de la quarantaine que la trentaine, mériteraient d’être étoilées pour leur travail et leur démarche : Bouchery et la Buvette, deux maisons bruxelloises. Cela fait des années qu’on le répète…  Mais je ne suis pas certain que ces chefs recherchent l’étoile. Ils sont plus loin que ça.  

 La déception semble plus légitime du côté des deux et des trois étoiles, accordées par les équipes internationales de Michelin. On peut légitimement penser que ces équipes ne se sont guère promenées en Wallonie. Associer Le Coq aux Champs, Arabelle Meirlaen, voire La Paix, aux côtés de Vrijmoed, La Source et Boury, doublement primés hier, aurait-il fait mauvaise figure ? On pose la question... Quant aux trois étoiles, on se demande, et ce n’est pas la première fois, ce qui manque à des maisons comme Bon-Bon, le Chalet de la Forêt ou l’Air du Temps pour répondre aux attentes de Bibendum si on les compare à des expériences triplement étoilées hors Belgique. « Comparaison n’est pas raison », répond la direction du Guide rouge. Celle-ci nous dit que la troisième étoile est synonyme d’une excellence partagée et reconnue par un collège d’experts, soit un jugement qui veut tout et rien dire, et qui lui laisse la liberté, d’une année à l’autre, de nous abandonner à nos déceptions. RS