Chez Laurent, au Guet à Pintes

Laurent Mélotte est pionnier dans l’importation, la défense et la distribution de vins naturels en Wallonie. Fin de semaine prochaine, (6-7 décembre), il fête 15 ans de rencontres vigneronnes dans son joyeux repaire. Pour l’occasion, il invite une douzaine des meilleurs vignerons bios nature de France. Pas loin de 100 cuvées seront à déguster, pour 10€ en prix d’entrée, soit pas cher la gorgée. C’est à ne pas rater car Laurent importe ce qui fait de mieux dans le genre ! On y sera, à présenter avec Wallonie, à pleines dents. Laurent y est en bonne place, rencontré aux Coudes sur la Table, en avril. Petit extrait de la conversation du jour, reprise dans le bouquin.

Importateur Vins Laurent Melotte Odyssee Des Aromes

10 Avril, le midi

(…)

Laurent. Ouais, j’étais brasseur... Mais c’était dans une autre vie.

Gaëtan. Dans une autre vie ?

Laurent. J’ai parfois l’impression d’avoir vécu plusieurs vies, chaque fois des cycles d’une douzaine d’années. L’enfance, l’adolescence, un premier métier…Je suis né dans une ferme, à deux pas d’une brasserie. J’ai fait des études d’agronomie, puis d’ingénieur brasseur. J’ai commencé par travailler chez Vanden Stock, à la brasserie Belle-Vue, puis pour Interbrew… Première vie ! Ensuite, ce fut le vin. C’était il y a une quinzaine d’années. Tout ce qui touche à la fermentation me passionne... La bière, le pain, le vin.

Jean-Christophe.Le chocolat ?

Laurent. Oui, le chocolat m’intéresse aussi… Mais depuis une vingtaine d’années, c’est surtout le vin… Les vins bios ! En 2003, je suis passé par le Casot des Mailloles, à Banyuls. Quelqu’un connaît ? René, tu dois connaître ?

René. De réputation… C’est lui qui fait la cuvée « Soula », non ?

Laurent. Oui, Alain Castex ! Un personnage ! « Soula », en cuvées connues, mais aussi « Casot » et « Clot de Taillelauque ». C’est chez lui que j’ai entendu parler pour la première fois de vin sans souffre ajouté. Pour moi, scientifique de formation, cela semblait impossible à faire. J’ai goûté : ce fut un choc ! Une révélation ! Goûter ce jus a remis complètement à plat ma perception des vins. J’ai alors créé l’Odyssée des arômes, mon négoce, avec une carte de vins 100 % bio et naturels. Beaucoup de ces vins sont sans ajout de soufre.

Gaëtan. Personne ne parlait de vins naturels à l’époque ?

Laurent.Personne ! D’ailleurs, je me faisais jeter d’un peu partout... Les gens qui parlaient de mes vins disaient : « Ça mélotte... » Mais je me suis accroché. Quelques sommeliers se sont intéressés à ces vins, puis quelques chefs... Et j’ai commencé à donner des cours. C’est ainsi que j’ai rencontré Baudouin.

Baudouin.Tu m’as fait goûter un brouilly de Descombes. Ça ne ressemblait en rien à ce que je connaissais. J’ai suivi ton cours un jeudi par mois. Neuf à dix quilles par soir, avant de manger tous ensemble ! Ph

Restaurant Liege Les Coudes Sur La Table

Baudouin.Laurent est un excellent professeur. Il aborde son sujet par un angle précis, genre : le vin jaune, en millésime 2003, comparaison de différents domaines.Alors je vous laisses imaginer… Tu es chez lui, tu goûtes, tu donnes ton point de vue… Il m’a rendu amoureux des vins nature.

Gaëtan.Mais qu’appelle-t-on exactement vin nature ?

Laurent. La question qui tue ! Plutôt que de donner une définition, je dirais que c’est un goût… Le goût d’un jus de fruit fermenté... C’est quelque chose de gouleyant... Cela fait saliver... Cela donne envie... Le problème est que nous avons été habitués pendant plusieurs décennies à boire des vins formatés. Ces vins naturels sortent du cadre, si je peux dire, et peuvent surprendre.

Gaëtan.C’est sans sulfite ?

Laurent.Le moins possible ! Le sulfite est là pour aider à la conservation du vin. Il le protège de l’oxydation. Le raisin a naturellement ses propres antioxydants. La fermentation produit naturellement du sulfite. Mais, la plupart du temps, les vignerons en ajoutent à la fermentation et à la mise en bouteille. Ils font cela pour que le vin ne reparte pas en fermentation ou ne s’oxyde pas. Ils veulent le protéger. Mais en protégeant le vin, je trouve que le sulfite l’enferme... C’est comme s’il l’empêchait de s’exprimer.Depuis une vingtaine d’années, des vignerons vinifient sans ajout de sulfites, ou avec un ajout très modéré.Ce sont ces vignerons qui m’intéressent.

René. Travailler sans sulfite n’est pas donné à tout le monde...

Laurent. Oui, je sais, certains se cherchent. Mais personnellement, je suis tolérant avec les gens qui essaient de travailler autrement… J’accepte certaines déviances : ce que l’on appelle la volatile, de réduction, voire la présence d’une peu de gaz… Ces problèmes, tu peux t’en débarrasser en carafant ton vin. Je trouve également que l’on boit d’ailleurs les vins bien trop rapidement. Ces vins sont vivants. Il y a des moments où ils sont plus en forme que d’autres. Comme tout être vivant, il faut les laisser faire leurs maladies d’adolescence. Contrairement aux croyances, ces vins évoluent souvent très bien.

Baudouin. Il faut insister sur le côté vivant de ces vins. C’est comme si un vigneron allait chercher le chant du vin.

Gaëtan.Le chant du vin ?

Baudouin. Son harmonie.

Laurent. Quand tu parles de vins naturels, tu te laisses aller si tu les aimes. Mais j’avoue que ces vins ne sont pas consensuels. Je me souviens de ma rencontre avec Pierre Overnoy, le vigneron pionnier nature du Jura.J’ai goûté : c’était incroyable… Il m’a dit : « Je propose des vins qui ont tous les défauts de l’œnologie moderne. Tu as de la réduction, la couleur vire à l’orange, mais j’aime ça… ». Ce vin, il n’était pas incroyable, il était inoubliable ! Tout le monde n’adhère pas à ces vins, mais ce n’est pas grave… Ce côté vivant, c’est tout ce que portent ces vins : des histoires, des terroirs, des paysages…

Baudouin. Et des chansons !

Laurent. Des chansons ?

Baudouin. Tu ne te souviens pas !? Un soir, également dans une autre vie (j’étais journaliste à l’époque !), on avait invité Marc Isaye, directeur de Classic 21, à venir boire avec nous. On lui faisait goûter un vin, il nous donnait le titre d’un morceau. Sur un Cahors, je me souviens, il nous a sorti Black in blackd’AC/DC ! Strawberry Fields Foreversur un rosé. Sur un vin de méditation, je ne sais plus lequel, il avait dit : OK Computer.

Laurent. Oui, Radiohead ! Et sur On s’en bat les couilles, un vin de Pascal Simonutti ! Sur les Sex Pistols ! (rires)

Le programme! Dégustation les vendredi 6 (de 17h00 à 20h30) et 7 décembre (de 11h30 à 19h30), à Pécrot. Avec Fanfan et Anne Ganevat (Jura), Sébastien David (Loire), Christophe Lindenlaub (Alsace), Romain Zordan (Beaujolais), Alice et Quentin Beaufort (Champagne-Bourgogne), Pierre-nicolas Massotte (Roussillon), Sébastien Xavier du Domaine Henri Milan (Provence), Guillaume et Karina Bacha Lefevre (Domaine de Sulauze) (Provence), Ludovic Bonnelle (Sud-Ouest), Philippe Richy (Languedoc), Fabrice Dodane (Jura), Nicolas Jacob (Jura), Lori Haon (Rhône) et Bibi (La Wallonie, à pleines dents) Rue Constant Wauters, 2.