Belles pages. Alice Feiring. For the Love of Wine. My journey Through the World's Most Ancient Wine Culture.

Un chouette livre alors que sort en français Skin Contact – Voyage aux origines du vin nu (éditeur Nouriturfu), je pense, sa traduction. Les Inrocks lui consacre un entretien. 

Livre Alice Feiring For The Love Of Wine

Alice Feiring aime les vins naturels auxquels elle a consacré plusieurs livres. J’avais lu il y a quelques années The Battle for Wine and Love et How I saved the World from Parkerisation qui m’avaient plu où elle détaille ses premiers pas avec des vignerons opérant en nature, dont sa rencontre, hilarante si mes souvenirs sont bons, avec Dard et Ribo (traduit en français – La Bataille du Vin et de l’Amour, ed. Jean-Paul Rocher, 2010). Elle est l’auteur de Naked Wine que je n’ai pas lu, (Le Vin nu, éd. Jean-Paul Rocher, 2012), ouvrage en partie hommage à Jules Chauvet, négociant en beaujolais, grand dégustateur et premier à revenir à la vinification sans soufre. Journaliste à la plume vive, inscrite dans la grande tradition du récit sérieusement documenté des journalistes américains, la new-yorkaise s’intéresse depuis quelques années à la Géorgie, terre originelle du vin en bordure de Mer Norie, où les pratiques n’ont pas été marquées comme dans d’autres régions par l’industrialisation ou la chimie. Le vin y est chez certains vignerons toujours élevé dans de grandes jarres enterrées, les qvevri, où les raisins macèrent avec leur peau. Le livre anglais donne juste envie de repérer sur la carte où se trouve la Géorgie et d’acheter un billet d’avion ce pays de grandes tablées comme on les aime. Les Inrockuptibles lui consacrent cette semaine un long entretien où elle rappelle qu’il fut un temps pas si lointain, le début des années 2010, où parler de vin naturel comme d’une manière nouvelle d’appréhender le goût de nos repas et de nos soirées arrosées suscitait les moqueries condescendantes des gardiens du temple et des amateurs de la barre au front le lendemain matin. Je suppose que Skin Contact – Voyage aux origines du vin nu, en est la traduction, mais je ne l’ai pas encore eu en mains. 

Livre Alice Feiring Naked Wi

Extraits de l’interview publié dans le numéro 1121 du 24 mai des Inrocks. http://www.lesinrocks.com

Comment avez-vous effectué votre transition vers le vin naturel ?

Alice Feiring – Cela date du début des années 2000. On m’a commandé un article pour un magazine spécialisé. Pour la première fois, j’ai dû tester des dizaines de bouteilles à la suite… Et j’ai détesté la majorité de ce que j’ai goûté. Nous étions alors au sommet de la globalisation et de l’uniformisation du goût. Tout se ressemblait, sauf les vins provenant d’une toute petite partie de la production que je trouvais systématiquement délicieux, frais, complexes. J’ai enquêté pour comprendre pourquoi et j’ai découvert que la question dépassait celle des levures naturelles et de la viticulture bio. J’ai étudié la technologie du vin et découvert l’usage des intrants et des additifs. Je me suis rendu compte que mon palais sélectionnait d’instinct le vin naturel, sans savoir que c’en était.

Vous étiez considérée comme une alien dans le milieu du vin très convenu et hiérarchisé ?

Un peu. Mais je me défendais avec des arguments. Mon premier livre, en 2008, s’appelait The Battle for Wine and Love : How I saved the World from Parkerization (“La bataille pour le vin et l’amour : comme j’ai sauvé le monde de la parkerisation”, en référence au critique Robert Parker, qui a notamment façonné le gout international pour les vins de Bordeaux contemporains très classiques – ndlr). Pas mal de gens me sont tombés dessus, alors que je pensais que personne ne m’écouterait. Dans le milieu du vin californien, certains se sont mis très en colère contre moi. Dans le bordelais aussi, mes interventions n’ont pas été très appréciées. Même si j’ai eu une influence assez importante, je m’exprimais en majorité sur mon blog. Des remarques sexistes ont été faites. Pendant un certain temps, même si je collaborais à des journaux comme le New York Times, c’était un peu difficile de vivre de ma plume sur le vin car j’étais trop “dangereuse”. Les journaux pouvaient perdre de la publicité à cause de moi. Aujourd’hui, c’est très différent puisque tout le monde veut écrire sur le vin naturel !

Dans votre livre Au origines du vin nu, vous parlez d’une incohérence chez certains amateurs de cuisine, qui ne se soucient pas de ce qu’ils boivent autant que de ce qu’ils mangent. On accepte plus facilement de mal boire que de mal manger ?

C’est presque de l’ignorance consentie chez certains qui refusent par principe le vin naturel, alors qu’ils ne jurent que par la nourriture bio. Comment faire comprendre que le vin fait partie de cette approche globale, qu’il peut même être une avant-garde ? Les habitudes sont difficiles à bouger. Certains reculent devant le prix – c’est vrai qu’on ne trouve pas une bouteille de vin naturel à quatre euros – et d’autres veulent continuer à fréquenter les restaurants qu’ils aiment quelle que soit la qualité de la liste des vins. Il y a cette déconnexion assez incroyable. J’ai vu des chefs très sérieux sur la provenance de leurs produits qui ne réfléchissent pas de la même manière à ce qu’ils servent à boire. Les gars, vous êtes les apôtres du circuit court, de la ferme à la table, et vous buvez de la merde ? La réponse consiste à inclure le vin dans la globalité de notre réflexion sur la nourriture, la viticulture et l’agriculture.

Vous consacrez votre dernier livre à la Géorgie, considéré comme le berceau du vin naturel.

Ils faisaient du vin naturel là-bas avant que cela ne devienne un argument marketing. Depuis des milliers d’années, en réalité. La première fois que j’ai été invitée au monastère D’Alaverdi, un haut lieu, c’était pour assister à la première conférence internationale sur les “qvevri” (grandes jarres, ou amphores, spécifiques au vin géorgien – ndlr). J’ai cru à une blague. Je pensais me retrouver dans un univers à la Borat et j’ai découvert un pays où la religion peut se mêler de vin avec passion – le vin de messe est exquis en Géorgie ! – et où le vin naturel est un principe structurant. Il y a eu un grand danger à la fin de l’ère soviétique, mais la renaissance aujourd’hui est extrêmement vivace. Il y a une nouvelle génération. On goûte des bouteilles extraordinaires venues de là-bas et pas seulement des vins “orange” (vins blancs de macération fabriqués comme des rouges, ce qui leur donne une couleur ambrée et des tanins – ndlr) puisqu’il existe plus de 500 cépages sur le territoire. On en boira bientôt tous !

Skin Contact – Voyage aux origines du vin nu par Alice Feiring. Editions Nouritourfu, 190 pages, traduit de l’Anglais par Sophie Brissaud.