Aimer le Vin (Extrait 2)

Extrait 2. 1978. Jacques Pirard découvre Faugères. C’est l’année où Jean-Michel Alquier rejoint son père Gilbert au domaine, créé un siècle plus tôt, à l’époque où la culture de la vigne se développe dans l’Hérault. Le village se situe au nord de Pézenas, sur un terroir adossé aux premiers contreforts des Cévennes. On dit à Faugères que les raisins y murissent sous les étoiles, car les pierres du sol retiennent la chaleur du jour qu’elles restituent la nuit. Gilbert Alquier, père de Jean-Michel, fut un des premiers dans la région à privilégier la mise en bouteilles au domaine et à planter de la syrah, un cépage plus familier au Rhône nord. Photos (c) Cici Olsson

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Jean-Michel Alquier. J’avais envie de vivre d’amour et d’eau fraîche… Et, d’un coup, ne me demandez pas comment ni pourquoi, mais le vin est devenu ma voie ! C’était d’ailleurs une époque particulière. Les importateurs étrangers commençaient à s’intéresser à notre travail : les Américains, les Anglais, les Belges... C’est ainsi que nous avons pu commencer à établir notre commerce à l’export.

Emmanuel Pirard. Une révélation sans aimer le vin ?

Jean-Michel Alquier. Ah, je n’ai pas dit ça ! J’en buvais peu, mais je me suis rattrapé ! J’ai commencé à travailler en m’inspirant de l’esprit bourguignon. Je voulais préserver l’esprit familial, tout en respectant l’identité du terroir. Travailler à la parcelle, c’est plutôt bourguignon… Aller chercher dans chacune d’elles ce qu’il y a de meilleur et de particulier. Côté cépages, j’ai commencé en tâtonnant avec la triade syrah, grenache et mourvèdre. La dominante sur les rouges reste la syrah, comme mon père l’avait déjà fait. J’aime la profondeur et l’élégance de ce cépage.

Emmanuel Pirard. Vous parlez de tâtonnements ?

Jean-Michel Alquier. On fait tous des tentatives… J’estime aujourd’hui que mes premiers vins réussis remontent au milieu des années nonante.

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Emmanuel Pirard. L’élevage en barrique est une autre particularité du domaine.

Jean-Michel Alquier. Oui, là c’est plutôt une influence bordelaise… Mon père ne souhaitait pas en entendre parler. Lui, c’était les vinifications en cuve béton et rien d’autre. Mais il m’a laissé essayer. Et nous avons été satisfaits et heureux du résultat. Par l’aération fine et raisonnée, la barrique arrondit les tannins présents dans les vins du Sud. L’élevage apporte un peu de douceur et de rondeur. Il y a ainsi dans mon approche ce côté bordelais dans l’élevage, c’est-à-dire dans le travail du vin, et le côté bourguignon par la culture et le soin apporté au vignoble. L’élevage en barrique demande par ailleurs plus d’attention. J’utilise toujours les mêmes origines de bois et toujours le même tonnelier.

Emmanuel Pirard. Comment le travail à la vigne a-t-il évolué ?

Jean-Michel Alquier. La présence d’un parasite dans mes vignes, l’araignée jaune, est à l’origine de profonds changements. Elle empêchait les fruits d’atteindre de belles maturités. Je voulais traiter, mais je me posais des questions. Un représentant m’avait conseillé un produit chimique, mais en me demandant si j’étais protégé pour l’utiliser par une cabine sur mon tracteur. Il m’avait même conseillé de porter un masque à l’intérieur. Très étonné par ses recommandations, j’ai réfléchi et j’ai dit non. 

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